Introduction
Les résultats des diverses expériences menées
sur l'ensemble jabot-gésier du ver de terre
isolé in vitro montrent que ce dernier présente des
contractions spontanées régulières dont la fréquence
et l'amplitude restent relativement constantes en absence d'intervention
extérieure. En revanche, lorsque l'organe isolé est soumis
à l'action de diverses substances pharmacodynamiques, il répond
par des variations de la fréquence et/ou de l'amplitude des contractions.
L'acétylcholine notamment stimule cette préparation en
induisant principalement une augmentation de l'amplitude des contractions
de façon dose dépendante ce qui suggère la présence
de récepteurs cholinergiques au niveau des muscles lisses de la
paroi du jabot et du gésier. L'acétylcholine est connue depuis
longtemps pour agir tant chez les vertébrés que chez les
invertébrés sur deux familles principales de récepteurs.
Ces deux groupes de récepteurs sont qualifiés de nicotiniques
et de muscariniques, par référence aux alcaloïdes nicotine
et muscarine extraits respectivement du tabac et de l'amanite tue mouches
et qui se comportent comme des agonistes cholinergiques spécifiques
vis à vis de ces récepteurs. En outre, d'autres alcaloïdes
ainsi que des substances synthétiques sont des agonistes ou des
antagonistes spécifiques de ces récepteurs. La tubocurarine
(principal alcaloïde du curare, un poison de flèche paralysant
extrait de Chondrodendron tomentosum, une plante de la famille des
Menispermacées) est un antagoniste spécifique des récepteurs
nicotiniques de même que différents produits de synthèse
comme le bromure de vecuronium ou le triiodoéthylate de gallamine.
L'atropine (un alcaloïde présent chez la plupart des Solanacées)
est un antagoniste spécifique des récepteurs muscariniques
tandis que la pilocarpine (un alcaloïde extrait de Pilocarpus jaborandi,
une plante de la famille des Rutacées) est un agoniste de ces récepteurs.
L'utilisation de ces divers agonistes et antagonistes rend possible
la caractérisation pharmacologique des récepteurs cholinergiques
impliqués dans le contrôle de l'activité contractile
de l'ensemble jabot-gésier du ver de terre. |
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Le matériel biologique, sa préparation
et le dispositif utilisés sont présentés sur la page
"Action de substances pharmacodynamiques sur les muscles
lisses du tube digestif du ver de terre".
Les différentes substances chimiques utilisées dans les
expériences présentées ci-dessous ont été
dissoutes dans du liquide physiologique pour constituer des solutions stocks
selon le tableau ci-dessous puis diluées en fonction des besoins.
Les concentrations indiquées sur les figures sont exprimées
en mol.L-1 de liquide dans la cuve de survie qui contient 30
mL. |
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Acétylcholine (MM = 187)
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Agoniste nicotinique
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4 mg.L-1
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Bromure de vécuronium (MM = 557)
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Antagoniste nicotinique
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400 mg.L-1
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Triodoéthylate de gallamine (MM = 510)
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Antagoniste nicotinique
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2 mg.L-1
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Atropine (MM = 292)
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Antagoniste muscarinique
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400 mg.L-1
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Pilocarpine (MM = 208)
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Agoniste muscarinique
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200 mg.L-1
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Pour tester les diverses substances, les contractions
spontanées de l'ensemble jabot gésier sont enregistrées
pendant une à deux minutes puis 1 mL de la dilution appropriée
de chaque substance testée est injecté rapidement avec une
seringue dans le liquide physiologique contenant la préparation
isolée de façon à obtenir un mélange rapide
et l'enregistrement est poursuivi quelques minutes. |
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Contrôle de la réponse à
l'acétylcholine
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Un contrôle du bon fonctionnement in vitro de l'ensemble
jabot gésier a d'abord été effectué en enregistrant
ses contractions spontanées dans du liquide physiologique. La réponse
de l'organe à l'acétylcholine a été vérifiée
ensuite avec une concentration de 500 nmol.L-1 qui provoque
habituellement une forte réponse. Ces résultats ont été
superposés sur la figure ci-contre.
La préparation se contractant spontanément en l'absence
de traitement et répondant normalement à l'action de l'acétylcholine,
les autres substances ont pu alors être testées. |
Contrôle du fonctionnement de la préparation
Addition d'acétylcholine à 60 s
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Les curarisants sont des antagonistes cholinergiques
spécifiques des récepteurs nicotiniques. Deux curarisants
synthétiques, le triiodoéthylate de gallamine (Flaxedil)
et le bromure de vecuronium (Norcuron) ont été testés.
Le flaxedil a d'abord été testé à deux concentrations
(250 nM.L-1 et 1 µM.L-1) en absence d'acétylcholine
puis en présence d'une dose test d'acétylcholine de 500 nM.L-1. |
Action de deux concentrations de flaxedil sur les contractions spontanées
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En absence comme en présence d'acétylcholine, les deux
concentrations de triiodoéthylate de gallamine utilisées
s'avèrent sans effet sur les contractions tant spontanées
qu'induites par l'acétylcholine suggérant que les récepteurs
cholinergiques impliqués ne sont pas nicotiniques. |
Action du flaxedil sur les contractions induites par une dose test
d'acétylcholine
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Un autre curarisant, le bromure de vecuronium, d'affinité
élevée pour les récepteurs nicotiniques a également
été testé pour confirmer ce résultat. Le tracé
ci-dessous montre qu'il ne modifie pas non plus la réponse du muscle
à l'acétylcholine confirmant ainsi la probable absence de
récepteurs nicotiniques. |
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Action du bromure de vecuronium sur les contractions induites par
une dose test d'acétylcholine
Les antagonistes nicotiniques s'avérant inactifs, un antagoniste
muscarinique, l'atropine, a alors été testé.
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L'action de l'atropine a d'abord été testée en absence
de tout autre traitement. Après rinçage de l'échantillon,
un test a été mené avec une concentration d'acétylcholine
de 70 nM.L-1 pour vérifier que l'échantillon restait
réactif à ce neurotransmetteur. Les résultats ont
été superposés sur le graphique ci-dessous. |
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Action de l'atropine puis contrôle de la réactivité
du muscle à l'acétylcholine
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L'atropine paraissant active sur les contractions spontanées
notamment en diminuant le tonus de l'organe comme on le constate ci-dessus,
son action a ensuite été testée sur l'échantillon
à la suite de l'addition d'une dose test d'acétylcholine.
Les graphiques montrent les résultats obtenus respectivement à
la suite d'une première addition d'atropine après une dose
test d'acétylcholine (500 nM.L-1) et à la suite
de deux additions d'atropine lors d'un enregistrement de plus longue durée. |
Action de l'atropine sur les contractions induites par l'acétylcholine
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On constate que l'atropine provoque la décontraction du muscle
contracté sous l'action de l'acétylcholine et qu'une deuxième
addition permet le retour à des contractions spontanées régulières
dont l'amplitude et la fréquence sont similaires à celles
des contractions qui se produisent en l'absence de tout traitement. L'atropine
étant un antagoniste spécifique des récepteurs muscariniques,
ceci suggère que les récepteurs cholinergiques concernés
sont de nature muscarinique. C'est pourquoi un test avec la pilocarpine,
un agoniste muscarinique, a été mené ensuite. |
Action de deux traitements successifs par l'atropine
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Une concentration finale de 3 µM.L-1 de pilocarpine a
été testée. On constate que l'action de cette concentration
sur le muscle est comparable à celle d'une concentration d'acétylcholine
de 100 nM.L-1 sur le tonus de l'organe lors de sa relaxation
rythmique et sur l'amplitude de la contraction. Toutefois, l'action de
la pilocarpine est moins durable que celle de l'acétylcholine. |
Action de la pilocarpine comparée à celle de l'acétylcholine
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Si le jabot gésier du ver de terre est sensible à l'acétylcholine,
insensible aux antagonistes nicotiniques et sensible tant aux agonistes
qu'aux antagonistes muscariniques, on peut supposer que les récepteurs
cholinergiques présents sur les muscles lisses de cet organe sont
de nature muscarinique. |