Le milieu
Au hasard des promenades dans les forêts d'Ile de France, il n'est pas rare de rencontrer de modestes plans d'eau immobile, entourés de végétation herbacée et arbustive, le tout enveloppé d'une colonnade de haute futaie (voir : "Les arbres").
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Mare forestière
au mois de mai dans la forêt domaniale de Ponteau-Combault
(Seine et marne). (video) |
Ce sont les mares forestières. Leur remplissage est principalement assuré par les pluies, plus rarement par les infiltrations souterraines dues aux nappes phréatiques ou à la proximité des rivières.
Leur niveau fluctue grandement en fonction des saisons. Elles sont tributaires des pluies de printemps et d'automne, alors que les chaleurs de l'été peuvent provoquer un assèchement temporaire bien que les orages fréquents en cette saison, puissent les réalimenter. L'importance de l'assèchement est d'autant plus perceptible que les mares sont peu profondes ( depuis quelques dizaines de centimètres jusqu'à un à deux mètres).
Il faut également tenir compte de l'environnement végétal et notamment arborescent dont les racines proches absorbent de grandes quantité d'eau et dont les frondaisons volumineuses en accélèrent indirectement l'évaporation. En contrepartie, ces mêmes frondaisons assurent une couverture ombragée qui filtre le rayonnement solaire et limite l'évaporation directe.
Au total, la situation des mares forestières correspond à celle d'une clairière où ombre et lumière alternent tout au long de la journée et se déplacent en suivant la course du soleil.
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Le feuillage filtre le rayonnement
solaire. |
Alternance ombre-soleil à la
surface de l'eau. |
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Du fait de leur faible volume, comparé à celui des lacs et des étangs, ainsi que de leur faible profondeur, la température de l'eau des mares forestières suit celle de l'air environnant. Ainsi, à la belle saison, le rythme nycthéméral peut faire osciller la température d'une dizaine de degrés en vingt-quatre heures.
Les berges, souvent en pente douce, se découvrent largement pendant la saison estivale et laissent apparaître des surfaces boueuses mélangées de débris végétaux en décomposition et marquées d'empreintes de sabots de mammifères sauvages tels que sangliers et cervidés.
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Berges boueuses découvertes
en été. |
Empreinte de cervidé imprimée
sur la berge.
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Les berges peuvent être envahies de végétation partiellement immergée.
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Graminées enracinées
dans la berge inondable. |
Bouquet d'iris d'eau immergé. |
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Il arrive également que des arbres et arbustes enracinés dans les sols détrempés le long des berges, basculent dans le plan d'eau et forment ainsi des zones semi-ombragées au raz de l'eau.
La surface de l'eau est largement recouverte de végétation flottante dont les lentilles d'eau ne sont pas les moindres contributeurs, tels que Lemna trisulca, Lemna polyrhiza, Lemna minor. Toute une flore aux feuilles flottantes, enracinée ou non tapisse ainsi la surface de la mare et se repartit en fonction de l'ensoleillement.
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Lemna trisulca. |
Spirodela polyrhiza. |
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C'est le cas également de la callitriche des marais (Callitriche pallustris) dont les feuilles de surface spatulées forment des rosettes de quelques millimètres de large. Mais la Callitriche possède également des feuilles immergées filiformes qui en font une plante intermédiaire entre la surface et les premiers centimètres de profondeur.
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Callitriche pallustris -
feuilles de surface. |
Callitriche pallustris -
feuilles immergées. |
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Un cas un peu particulier concerne cette curieuse plante carnivore vivant dans les quelques centimètres sous la surface de l'eau. Il s'agit de l'utriculaire (Utricularia vulgaris) aux rameaux et aux feuilles filiformes dont certaines portent de petites outres ou utricules de quelques dizaines de microns et qui constituent des pièges actifs à succion (voir : Les Plantes Carnivores sur Biologie et Multimedia et sur Futura-sciences) qui capturent les animalcules passant à proximité, notamment des crustacés copépodes ou cladocères voire de petits acariens aquatiques. Dans certains cas, il n'est pas rare d'observer l'ombre de la proie à travers la paroi de l'outre gonflée d'eau.
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Rameau d'utriculaire montrant les
outres parsemées sur les feuilles. |
Détail d'une outre avec son
pédoncule. On distingue un copépode en digestion à la
base de l'outre. |
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L'ensemble de ces plantes de surface forme un feutrage végétal utile à l'oxygénation du milieu et propice à l'hébergement de la microfaune.
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Ensemble de végétaux
communs à la surface des mares. De gauche à droite
: Lemna minor, Spirodela polyrhiza, Callitriche
pallustris. |
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Par endroits, généralement ensoleillés, de grandes feuilles arrondies ou ovales flottent à la surface de l'eau. Inversement aux plantes flottantes, elles sont enracinées dans les fonds vaseux de la mare, par exemple, le potamot nageant ( Potamogeton nageans). Quelques mares plus étendues alimentées par des eaux de source peuvent voir leur surface peuplées de nénuphars (Nuphar lutea) dont les grosses fleurs jaunes en boule sortent de l'eau entre les larges feuilles.
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Potamogeton nageans. |
Nuphar lutea - la fleur. |
Nuphar lutea - la feuille. |
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Ainsi, avec le retour de la belle saison, la surface de la mare devient rapidement recouverte de verdure qui fait obstacle à la pénétration de la lumière et contribue à limiter l'évaporation. La mi-ombre créée au sein de la masse d'eau par un couvert végétal varié favorise la prolifération animale. Quant au reste de la colonne d'eau, l'épaisseur de la mare est traversée par un enchevêtrement de tiges, de racines, de feuilles aquatiques qui diversifient les niches écologiques au sein desquelles s'exprime une grande diversité de végétaux et d'animaux microscopiques.
Le plancher de ces mares est généralement constitué par l'accumulation de feuilles et débris végétaux enrichis à chaque automne, qui se décomposent et favorisent la prolifération de nombreux organismes bactériens activateurs de la décomposition.
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Plancher d'une marre en assèchement
laissant apparaître la litière de feuilles en
décomposition. |
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L'envahissement est tel qu'il peut provoquer la formation d'un voile bactérien en surface.
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Mare entièrement recouverte
d'un voile bactérien opaque. |
Voile bactérien formé de
bacilles en division. |
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On y trouve également quantité de cyanobactéries telles que Oscillatoria et Nostoc.
Les algues unicellulaires, coloniales, filamenteuses, les diatomées
L'ensemble s'enrichit d'une multitude d'algues rouges et vertes unicellulaires, coloniales, filamenteuses et de diatomées qui se développent dès la fin de l'hiver, envahissent le milieu pendant la belle saison et constituent la biomasse végétale d'eau douce, début de la chaîne alimentaire.
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Quelques exemples de végétaux
microscopiques d'eau douce, algues et diatomées.
(cliquez sur les images pour voir les commentaires et les videos) |
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Les protozoaires
Dès lors, les protozoaires phytophages croissent en grand nombre, puisant dans cette biomasse végétale abondante.
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Quelques exemples de protozoaires.
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Les hydres, gastrotriches, rotifères
Mais aussi, nombre d'animalcules pluricellulaires tels que les hydraires (hydres vertes et brunes), les gastrotriches comme Chaetonotus, et de nombreux genres de rotifères aux formes et modes de vie variés.
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Hydres, gastrotriche et divers rotifères.
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Les plathemynthes,nématodes, olygochètes, les gastéropodes
Parmi les vers, les plathelminthes et les nématodes sont représentés ainsi que des vers olygochètes. Quelques mollusques comme la limnée sont fréquents.
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Quleques exemples de vers et de mollusques
aquatiques. (cliquez sur les images pour voir les commentaires
et les videos) |
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Les crustacés, copépodes, cladocères, ostracodes
Les crustacés représentent un groupe très productif dans la biomasse animale, tels que les cladocères (daphnies), les ostracodes et les copépodes qui pullulent.
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Quelques exemples de crustacés
d'eau douce. (cliquez
sur les images pour voir les commentaires et les videos) |
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Les insectes collemboles, hémiptères diptères, odonates
De nombreux insectes dépendent du milieu aquatique d'eau douce, portant des branchies trachéennes, ou aériens, vivent soit en pleine eau soit en surface.
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Quelques exemples d'insectes dépendant
du milieu aquatique. (cliquez
sur les images pour voir les commentaires et les videos) |
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Les amphibiens, anoures, urodèles, les pontes
Parmi les vertébrés, les amphibiens sont les plus visibles dans l'eau ou à proximité notamment pendant la période de reproduction à la fin de l'hiver et au printemps.
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Quelques amphibiens, pontes et larves. (cliquez
sur les images pour voir les commentaires et la video) |
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Il reste encore bien d'autres animaux qui peuplent ces milieux, notamment des acariens aquatiques et bien sûr quelques poissons du groupe des épinoches. Mais l'essentiel de ce rapide tour d'horizon est de faire comprendre à quel point un tel milieu apparemment aussi restreint abrite toute une flore et une faune phytophage ou carnassière prédatrice et qui constitue un exemple d'une remarquable et foisonnante biodiversité.