- Pour un embryologiste, il est un fait d'observation courante que les
embryons de différentes espèces, de familles, d'ordres
ou de classes zoologiques se ressemblent
à certains stades de leur développement. En fait, les métazoaires
traversent différentes étapes du développement précoce
qui leur sont communes. Ce sont la fécondation, le clivage, la
gastrulation et l'organogenèse.
- Dès 1828, l'embryologiste Karl Ernst Von Baer, ayant omis d'étiqueter
des embryons conservés dans l'alcool, s'avouait incapable de les
déterminer. Selon ses propres mots "They may be lizards,
small birds or even mammals", la ressemblance des embryons ne
pouvait qu'ajouter à la confusion, malgré la diversité morphologique
des reptiles, des oiseaux et des mammifères adultes (voir figure
5). Ce fut le point de départ de nombreuses études comparatives
qui conduisirent à s'interroger sur les raisons de telles ressemblances.
En 1877, Ernest Heackel note "En tout, au début, les divers
vertébrés sont semblables, puis peu à peu les particularités
apparaissent, et les divers groupes, classes, ordres, familles, genres,
se distinguent et se hiérarchisent."
(Fig.1). Cette notion de ressemblance embryonnaire qui s'opposait à
la diversité zoologique contribua à faire émerger
l'idée d'unicité des êtres vivants.
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- Figure 1. Figure tirée d'un ouvrage
de Ernest Haeckel sur la "Création des Etres
Organisés" en 1877, montrant les parentés
morphologiques entre des embryons de tortue, de poulet,
de chien et d'homme (de gauche à droite), à deux
stades de l'organogenèse.
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- De ses études, Von Baer dégagea des généralisations
qui devinrent les
"lois de Von Baer". En voici quelques aspects :
- Les caractères généraux d'un groupe apparaissent
avant les caractères spécialisés . Tous les
vertébrés possèdent des organes embryonnaires
transitoires tels que le tube nerveux, les somites, le pronéphros.
Cependant, ce n'est que plus tard dans le développement qu'apparaissent
le cerveau, les muscles, les reins.
- La diversité
des caractères spécialisés de plusieurs groupes
ou espèces proches dérive de caractères généraux
communs à ces groupes ou espèces. Par exemple, le plan
de l'ébauche du membre chiridien est commun à tous les
embryons de vertébrés tétrapodes. Cependant, l'organogenèse
peut en faire des organes aussi différents qu'une nageoire de
dauphin, une aile de chauve-souris, un membre marcheur, fouisseur ou
préhensile (Fig.2). Le simple feuillet épidermique embryonnaire
des vertébrés peut évoluer en écaille de
poisson, en écaille de reptile ou plume d'oiseau, en poil ou en
griffe de mammifère.
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- Figure 2. Figure tirée de l'ouvrage
de Haeckel montrant, comment
à partir d'une structure embryonnaire semblable: l'ébauche
de membre, la diversité peut créer des formes
liées
à des fonctions aussi différentes que la marche,
la nage, le vol et la préhension. 1: homme,
2 : gorille, 3 : orang-outang, 4 : chien, 5 : phoque, 6 :
dauphin, 7 : chauve-souris, 8 : taupe,
- 9 : ornithorynque.
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- L'embryon d'une espèce donnée ne ressemble jamais à la
forme adulte d'une espèce apparue précédemment
dans l'évolution mais plutôt à sa forme embryonnaire.
Un embryon de reptile ou de mammifère ne passe jamais par un
stade poisson. En revanche, les embryons de reptiles et de mammifères
possèdent des caractères en commun avec les embryons
de poisson. Par exemple, les arcs viscéraux des reptiles et
des mammifères ne ressemblent pas aux arcs branchiaux des poissons
mais plutôt aux arcs viscéraux embryonnaires de ces derniers.
Cette notion est particulièrement importante pour comprendre
la diversité au cours de l'évolution quand on sait que
les arcs viscéraux des mammifères sont transformés
en structures auditives et laryngées.
- Pour illustrer la parenté des organismes, nous avons choisi
deux stades de la vie embryonnaire communs à tous les vertébrés
: le clivage (Fig.3) et l'organogenèse (Fig.4). Les exemples ont été
pris chez les poissons chondrostéens (esturgeon) et téléostéens
(Ictalurus), les amphibiens anoures (Xenopus) et urodèles
(Pleurodeles), les reptiles (caméleon et crocodile),
les oiseaux (poulet) et les mammifères (lapin, souris et homme).
La diversité des formes adultes apparaît dans la figure
5.
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(Pour voir les images agrandies et leurs légendes, cliquez sur
les vignettes)
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- Figure 3. La période de clivage est
commune à tous les métazoaires. Chez les
vertébrés, elle peut
être soit discoïdale chez les téléosténs
(A) les reptiles (E) et les oiseaux (F), soit totale chez
les chondrostéens (B), les amphibiens urodèles
(C) et anoures (D), ou les mammifères comme la souris
(G).
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(Pour voir les images agrandies et leurs légendes, cliquez sur
les vignettes)
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- Figure 4. Pendant l'organogenèse de
grandes ressemblances entre les poissons et les amphibiens
d'une part (A,B,C,D), les reptiles, oiseaux et mammifères
d'autre part (E,F,G,H,I,J) sont flagrantes
à l'instar des remarques de Von Baer.
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- Figure 5. Juvéniles (A,E,F) et adultes
(B,C,D,G,H,I,J) de poissons (A: Ictalurus, B: esturgeon),
amphibiens (C: xenope, D: pleurodèle) reptiles
(E: caméléon, F: crocodile), oiseaux (G:
coq) et Mammifères (H: souris, I: lapin, J: homme),
montrant la diversité des formes.
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- En conclusion, les premières observations de parentés
morphologiques au cours du développement embryonnaire d'animaux
phylogénétiquement
éloignés ont fait émerger l'idée de l'unicité
des êtres vivants. A l'appui de cette hypothèse, les travaux
modernes en génétique du développement n'ont cessé
d'aller dans ce sens. Il est maintenant admis que la diversité du
règne animal résulte cependant de la mise en oeuvre de
gènes similaires. L'universalité du système génétique
régulateur du développement embryonnaire amène la
notion, au sein du monde vivant, d'une communauté des fonctions
génétiques et laisse entrevoir la possibilité d'une
origine unique du règne animal (voir "Gènes
sélecteurs et développement embryonnaire").
- Sources des images: Ictalurus (P.B.Armstrong and J.S. Child. 1962.
Stages in the development of Ictalurus nebulosus (Syracuse University
Press, Syracuse, New York, USA). Crocodile (A.Voeltzkow, 1899, Biologie
und Entwicklung der äusseren körperform von Crocodilus
madagascariensis (Frankfurt, in kommission bei Moritz Diesterverg).
Caméléon (F. Blanc, 1974, Table de développement
de Chamaeleo lateralis. Annales d'Embryologie et de Morphogenèse,
7, 99-115). Esturgeon, Xenopus, Pleurodeles, poulet, souris et lapin
(documents personnels et service de Biologie du Développement
de l'Université Paris VI). Homme : http://www.visembryo.com/baby/index.html
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