Même si, dans certains cas favorables, l'observation de matériel
biologique avec un microscope optique peut être faite directement,
elle nécessite le plus souvent des traitements particuliers des
échantillons. En effet, l'observation avec un microscope photonique
ordinaire suppose l'utilisation d'échantillons très fins
puisque la lumière doit pouvoir les traverser pour qu'une image
se forme. Dans ces conditions, les structures cellulaires sont extrêmement
difficiles à distinguer et des méthodes de coloration particulières
s'avèrent le plus souvent indispensables pour pouvoir étudier
cellules et tissus.
Des méthodes simples de préparations
extemporanées peuvent être aisément mises en œuvre
mais les préparations réalisées de cette manière
présentent l’inconvénient de ne pouvoir être conservées
plus de quelques heures. C’est pourquoi des méthodes permettant
la réalisation de coupes fines d’échantillons biologiques,
leur coloration et leur montage dans un milieu qui ne s’abîme pas
avec le temps, ont été mises au point par les histologistes.
La réalisation de préparations microscopiques à
partir d’un organe animal nécessite ainsi une fixation préalable
des tissus, de façon à «figer » les structures,
puis leur imprégnation par un milieu solide pour pouvoir y réaliser
des coupes minces. Le milieu d’imprégnation classique est la paraffine
qui présente l’avantage d’être liquide à une température
supérieure à 56 °C et de se solidifier lorsque la température
passe en dessous de cette limite. Une fois imprégnées par
la paraffine, les pièces peuvent alors être débitées
avec un microtome en coupes fines de quelques micromètres d'épaisseur.
Ces coupes subissent ensuite un ensemble de traitements destinés
à en colorer les éléments de façon plus ou
moins spécifique avant d’être recouvertes d’une résine
naturelle ou synthétique permettant de maintenir en place une lamelle
couvre-objet assurant leur protection.
Il est important, qu’au cours de leurs études scientifiques,
les élèves aient l’occasion d’être confrontés
aux principales techniques mises en œuvre dans les laboratoires. Compte
tenu, à la fois, de l’importance historique du microscope optique
et du fait qu’il s’agit d’un des principaux instruments scientifiques utilisés
au cours de leurs études, une initiation aux techniques histologiques
présente le plus grand intérêt.
L’obstacle principal à cette démarche est que, en général,
les établissements scolaires ne disposent pas du matériel
nécessaire, en particulier le microtome, pour réaliser l’ensemble
des opérations nécessaires à la réalisation
de préparations microscopiques durables. Toutefois, la coloration
et le montage de coupes minces, qui ne nécessitent que des produits
courants, peuvent être facilement menés par les élèves
à condition de pouvoir obtenir des coupes déjà réalisées
par ailleurs, dans un établissement universitaire ou commercial.
La procédure indiquée ici tient compte de ces contraintes.
Elle a pour but, à partir de coupes à la paraffine, de mener
l’ensemble des opérations nécessaires pour obtenir in
fine des préparations microscopiques durables.
Le choix du matériel biologique s’est porté sur le pancréas
de mammifère en raison de l’inclusion dans les programmes de première
S, mis en œuvre en 2001, d’un chapitre relatif à l’homéostasie
glucidique et aux phénotypes diabétiques. Outre l’aspect
technique, la réalisation de ce type de préparation microscopique
permettra d’observer la double structure, endocrine et exocrine du pancréas
(ilôts de Langerhans et acinus) et d’illustrer les caractéristiques
des cellules exportatrices de protéines. Enfin, dans les établissement
ne disposant pas d’une collection importante de préparations microscopiques,
ce type d’activité permet de se constituer à peu de frais
une collection de lames de très bonne qualité.
Protocole
Le matériel est constitué
de coupes fines à la paraffine de pancréas de rat ou de cobaye
réalisées à l'UFR de biologie de l'université
Pierre et Marie Curie. Le pancréas a subi une fixation classique
par le liquide de Bouin avant d'être inclus dans la paraffine. Le
bloc a ensuite été débité en coupes de 5 µm
d'épaisseur et chaque coupe a été placée sur
une lame porte-objet. C'est le matériel de départ.
Coupes fines de pancréas sur lame
L’inclusion de l’échantillon dans la paraffine (nécessaire
pour réaliser les coupes) implique son élimination préalablement
à la coloration. En effet, la paraffine est hydrophobe tandis que
les colorants sont hydrophiles. C'est pourquoi la coloration des coupes
comporte une étape de déparaffinage et de réhydratation.
Cette étape est assurée par une succession de bains, d’abord
dans un solvant permettant l’élimination de la paraffine (toluène
ou xylène) puis dans des alcools de titre décroissant, de
100 % (compatible avec le solvant précédent) jusqu’à
70 % (compatible avec l’eau), avant un bain dans l’eau pure assurant la
réhydratation finale. Chaque bain dans un solvant est fait dans
un flacon cylindrique adapté appelé tube de Borel mais n’importe
quel flacon cylindrique fait l’affaire (pot de yaourt, par exemple).
Tubes de Borel
Après réhydratation, la coupe est colorée.
Elle est d'abord plongée dans l'hémalun de Masson pendant
5 à 10 minutes, rincée par trois bains successifs dans l'eau
de conduite puis dans l'eau distillée.
La coupe est ensuite recouverte d'une goutte d'éosine directement
sur la lame. Après deux minutes de coloration, la coupe est rincée
par l'eau sous le robinet (attention à ne pas décoller la
coupe par un courant d'eau trop violent) puis dans l'eau distillée.
Il faut alors procéder à la déshydratation, opération
inverse de celle menée au début, avant de pouvoir faire le
montage dans la résine.
La déshydratation est réalisée en plongeant successivement
la lame dans deux bains d'alcool à 95 % puis dans deux bains d'alcool
à 100 % et enfin dans deux bains de solvant (toluène ou xylène).
À la sortie du solvant, une goutte de résine de montage (par
exemple, Eukit) est disposée sur la coupe et une lamelle est appliquée
de façon à ce que la résine recouvre l'ensemble de
la coupe. La résine polymérise en une vingtaine de minutes
mais on peut accélérer le processus en plaçant la
lame sur une plaque d'histologie à 50°C ou simplement sur un
radiateur.
La préparation microscopique est alors prête pour l'observation.
Le cliché ci-dessous montre l'ensemble du matériel en
place pour les opérations précédentes.
Bains, colorants et résine de montage
Résultats
Les clichés présentés ci-dessous ont été
obtenus avec un microscope optique muni d'un appareil photographique numérique.
Cliquer sur les images pour les agrandir.
Double structure du pancréas Le pancréas est une glande mixte, exocrine et endocrine. La
partie exocrine est constituée d'unités sécrétrices,
les acinus, munis de canaux excréteurs. La partie endocrine
est constituée par les îlots de Langerhans dispersés
au milieu des acinus.
Pancréas de cobaye : aspect général (x 250)
Noter les nombreux acinus (exocrines) à gauche et un ilot de Langerhans
(endocrine) à droite. Un canal excréteur est visible tout
en bas et au milieu du cliché.
Limite entre un ilot de Langerhans et les acinus (x 400)
Les acinus sécrètent les constituants protéiques du
suc pancréatique sous forme de zymogène, précurseur
inactif d'enzymes digestives.
Détail d'un acinus (objectif à immersion, x 1000)
Noter la polarité des cellules acineuses avec leur noyau situé
au pôle basal tandis que le pôle apical contient du zymogène.
Détail d'un ilot de Langerhans (objectif à immersion,
x 1000)
Les îlots endocrines sécrètent notamment l'insuline
et le glucagon, hormones intervenant dans l'homéostasie glucidique.
Canal excréteur (x 400)
Divers autres éléments qui ne sont pas propres au pancréas
peuvent être observés sur ces lames. On distingue notamment
des vaisseaux sanguins et des adipocytes dans les travées conjonctives.
Trois adipocytes au milieu des acinus (x 400)
Noter la grande taille de ces cellules dont le contenu cytoplasmique formé
de graisses a été extrait lors de la préparation des
lames.
Artériole coupée transversalement (x 100)
Noter les hématies dans la lumière du vaisseau et le tissu
conjonctif environnant.